La révolution du quartz: Seiko – Partie 1

La révolution du quartz: Seiko – Partie 1

Le développement de montres à quartz est la plus importante innovation dans l’industrie horlogère au cours du 20e siècle. Face à elle, les entreprises horlogères ont réagi de manière différente. Le cas Seiko.

Par Pierre-Yves Donzé
Historien

Cette nouvelle technologie a un impact majeur sur la notion de précision dans la mesure du temps. Elle a bouleversé les conditions de la concurrence à travers le monde. La marque Seiko est la première à lancer sur le marché une montre à quartz.
 

Une décision stratégique

Le groupe horloger Hattori & Co., rendu célèbre par ses montres de marque Seiko, s’impose sur le marché mondial non seulement comme la première entreprise du monde à commercialiser une montre à quartz, mais également par le succès avec lequel il industrialise cette innovation technique. C’est le fruit d’un choix technologique sans ambigüité de la part de la direction du groupe.
 

La décision de concevoir et de produire des montres électroniques est prise par les dirigeants de Seiko à la fin des années 1950. Elle s’inscrit dans le contexte de la mise en œuvre d’une stratégie de fabrication en masse de montres de précision adoptée au cours de l’entre-deux-guerres et poursuivie après la Seconde Guerre mondiale. La filiale Suwa, l’un des deux fabricants de montres du groupe, met sur pied en 1959 une équipe de recherche chargée d’étudier les nouveaux types de montres. Il réunit au départ les ingénieurs de l’entreprise, mais tous sont de formation mécanique. Aussi, Suwa engage en 1960 trois ingénieurs en électronique. Cette même année, ce groupe de recherche et développement (R&D) reçoit un nouvel objectif de la part de la direction: la mise au point d’une horloge à quartz portative pour les Jeux Olympiques de 1964, dont Seiko a obtenu le chronométrage officiel, ce qui est fait en février 1964. L’objectif des ingénieurs de Suwa est ensuite de travailler à la miniaturisation de ce modèle vers une montre de poche de gros volume (1966) et une montre-bracelet (1967).

L’acquisition de savoirs relatifs à l’électronique

Toutefois, il ne s’agit encore que de prototypes et la principale difficulté des horlogers de Seiko est la maîtrise de la partie électronique, indispensable pour l’industrialisation du produit. Après quelques essais de développement à l’interne, la conception de circuits intégrés C-MOS est commandée à l’extérieur du groupe, auprès de la société américaine Intersil. Après cette phase de R&D, les deux partenaires signent un contrat de coopération technique permettant à Seiko de rapatrier la technologie dans ses usines et de maîtriser seule l’ensemble de la production (1969).
 

L’internalisation de compétences en matière de conception des circuits électroniques pour montres à quartz ne se limite toutefois pas à la sous-traitance envers Intersil. Le groupe Seiko recourt également aux services de consultant d’un professeur de l’Université de Tokyo spécialisé dans les transistors, Sugano Takuo, ainsi qu’à Tarui Yasuo, chef de la division des semi-conducteurs du laboratoire d’électrotechnique du Ministère du Commerce International et de l’Industrie (MITI). Ces diverses collaborations permettent alors le passage à la production en masse et la diversification des modèles.

La commercialisation d’un nouveau produit

La compétition avec les horlogers suisses pour être le premier à mettre sur le marché ce nouveau produit est très forte, d’autant que Longines annonce en août 1969 sa volonté de commercialiser son prototype de montre à quartz. Suivant l’ordre du grand patron du groupe, Hattori Shoji, les ingénieurs de Suwa parviennent à réaliser avant leur rivale helvétique la première montre à quartz commercialisable du monde. La montre mise sur le marché par Suwa le jour de Noël 1969 (modèle 35SQ) est d’un prix coûteux (450'000 yens, soit environ 1'257 USD).
 

Après cette victoire commerciale, les ingénieurs de Suwa travaillent à l’amélioration du produit avec le lancement en 1971 du modèle 38SQ, une montre de meilleure qualité et moins chère (prix de vente de 135'000 yens, soit 389 USD). Parallèlement, le second fabricant de montres du groupe, Daini, sort ses propres montres à quartz, avec le modèle 36SQ en 1970.
 

Suwa et Daini se lancent ensuite rapidement dans la conception de montres à quartz digitales. Après avoir cherché en vain d’acheter ces technologies auprès de la société américaine RCA, les ingénieurs du groupe Seiko entreprennent des travaux de R&D à l’interne, sous la direction des professeurs Toyoshima et Mitsui, de l’Université de Tohoku (1968). Cette coopération débouche sur les sorties successives de premiers modèles par Daini (1972) et Suwa (1973). La technologie digitale permet d’intégrer rapidement de nouvelles fonctions, telles que calendrier (1976), réveils (1977), chronographe (1977), world time (1977), machine à calculer (1977) et quantième (1978). Enfin, en 1983, Seiko lance sur le marché la première montre-TV du monde. Les possibilités d’innovation apportées par l’électronique semblent sans fin.

Vers la production en masse

Les premiers modèles de montres à quartz sont chers et produits en très petites quantités, si bien que les montres à quartz n’apparaissent pas dans les statistiques officielles du groupe Seiko avant 1971, date à laquelle on en dénombre 3'000. Leur volume s’élève ensuite à 64'000 pièces en 1972 puis connaît une formidable expansion qui la mène à 1.7 million de pièces en 1975 et plus de 100 millions depuis 1990 (cf. tableau).
 

La mise en œuvre d’une véritable production en masse est rendue possible par le recours à des méthodes d’automatisation de l’assemblage, que le groupe Seiko étudie depuis les années 1960. En 1968, Daini et Suwa reçoivent une subvention du MITI pour développer sur trois ans un système de chaînes d’assemblage automatisées capables de produire plus de 100'000 pièces par mois. C’est ainsi qu’est conçu le «système A», pour lequel une cinquantaine de brevets sont déposés au Japon.
 

La principale conséquence de la mise en œuvre de l’automatisation de la production et de l’assemblage est la chute rapide des coûts de production. Ce qui confère à Seiko un avantage comparatif majeur par rapports à ses rivaux suisses, qui tardent à industrialiser la fabrication des montres à quartz.
 

Summary

Pour en savoir plus: Pierre-Yves Donzé, «Rattraper et dépasser la Suisse: histoire de l’industrie horlogère japonaise, 1850 à nos jours» - Neuchâtel: Alphil-Presses universitaires suisses, 2014.

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